Bientôt la fin des composants contrefaits ?
Temps de lecture estimé : 6 minutes 45 secondes
(Crédit photographique : Gorodenkoff/Stock.adobe.com)
Par Murray Slovick pour TTI, Inc.
Publié le 9 février 2023
Malgré les progrès technologiques réalisés en la matière, l’industrie des semi-conducteurs a toujours fort à faire avec les contrefaçons, qui représentent à l’échelle mondiale un manque à gagner estimé à 200 milliards de dollars par an pour le marché de l’électronique. Les pénuries mondiales de puces électroniques accentuent le phénomène. En effet, lorsque des composants viennent à manquer, les acheteurs peuvent être tentés de se tourner vers ce que l’on appelle le marché gris. Dès lors, il devient indispensable de pouvoir procéder à l’identification d’un appareil afin d’en vérifier l’origine. Si de manière générale le commerce de produits contrefaits et piratés n’a cessé de progresser depuis le début de la pandémie de COVID-19, le secteur de la microélectronique est l’un de ceux qui en souffrent le plus.
On est bien loin maintenant du temps où une pièce contrefaite se repérait comme le nez au milieu de la figure. Il est désormais possible de cloner des composants électroniques avec précision, ce qui les rend les contrefaçons particulièrement difficiles à distinguer des pièces authentiques. Il existe bien de multiples dispositifs pour lutter contre la contrefaçon, notamment l’utilisation d’étiquettes RFID ou portant un hologramme, mais cela n’empêche aucunement de copier un dispositif à semi-conducteur. C’est pourquoi il est urgent pour les fabricants de développer de nouvelles technologies de lutte contre la contrefaçon ou d’améliorer les technologies actuelles.
Le présent article passe en revue quelques-unes des technologies d’authentification de produits « inviolables » censées compliquer la tâche des contrefacteurs.
Fonctions physiquement non clonables et points quantiques
Les matériaux utilisés pour fabriquer les puces électroniques comportent tous dans leur structure moléculaire des imperfections microscopiques et imprédictibles. Cette caractéristique qui rend chaque puce absolument unique peut donc être utilisée pour prouver l’authenticité de la puce. Les fonctions physiquement non clonables (PUF) reposent sur ces caractéristiques aléatoires naturelles. Un PUF est un dispositif doté de propriétés physiques uniques et non répétables qui peuvent être traduites en bits d’informations exploitables. L’authentification par PUF repose donc sur des caractéristiques physiques aléatoires. L’avantage des PUF par rapport aux solutions optiques existantes (par exemple les hologrammes) réside dans l’asymétrie inhérente à la complexité de leur fabrication et de leur reproduction. Un dispositif d’authentification basé sur un PUF comprend donc une puce fabriquée selon des processus intrinsèquement aléatoires qui rendent le clonage presque impossible. Le fait que les systèmes PUF sont difficiles à reproduire en font une méthode sûre et adaptée aux dispositifs anti-contrefaçon.
Les points quantiques sont des nanoparticules de semi-conducteurs qui présentent une photoluminescence à haute efficacité sur une large gamme de couleurs réglables. Ils peuvent de ce fait transférer efficacement des propriétés optiques uniques. C’est ainsi que les dispositifs de sécurité basés sur les points quantiques sont par nature très difficiles à reproduire et conviennent donc parfaitement comme système anti-contrefaçon. Un ensemble de points quantiques déposés de manière aléatoire peut être encapsulé dans un polymère transparent, ce qui résulte en quelque sorte en une étiquette. Les ordinateurs quantiques utilisent la lumière plutôt que des charges électriques pour stocker et transporter des informations. Selon les lois de la mécanique quantique, un seul photon peut résider simultanément à deux endroits différents. Ainsi, un photon individuel peut agir comme un bit quantique (ou qubit). Un bit quantique transporte beaucoup plus d’informations qu’un bit binaire, lequel ne peut avoir pour valeur que 0 ou 1.
À titre d’exemple, UbiQD (pour Ubiquitous Quantum Dots), une entreprise de nanotechnologie basée au Nouveau-Mexique, et SICPA SA, une entreprise technologique suisse spécialisée dans les encres de sécurité, ont élargi leur partenariat dans le développement d’encres de sécurité anti-contrefaçon basées sur la technologie du point quantique d’UbiQD. Grâce à ce partenariat, les deux entreprises entendent développer conjointement des fonctionnalités optiques lisibles par machine qui se trouveraient réunies sous la forme d’un portfolio d’encres de sécurité de toute dernière technologie.
Parallèlement, une équipe de chercheurs du National Institute of Standards and Technology (NIST) a réussi à connecter des points quantiques de micropuces à des guides d’ondes miniatures (des circuits capables de guider la lumière) sans perte d’intensité significative. Le circuit hybride se compose de deux composants, chacun initialement construit sur une puce distincte. Le premier de ces composants est un dispositif semi-conducteur à l’arséniure de gallium, conçu et fabriqué au NIST, sur lequel se trouvent les points quantiques. Il canalise directement les photons uniques générés par les points quantiques vers un deuxième dispositif, un guide d’ondes en nitrure de silicium à faible perte développé à l’University of California, Santa Barbara (UCSB).
L’équipe scientifique se compose, en plus de chercheurs du NIST et de l’UCSB, de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT), de l’Institut coréen des sciences et technologies et de l’Université de São Paulo au Brésil. Les conclusions de leurs recherches sont parues le 11 décembre dans Nature Communications.
Quantum Base Ltd. – une entreprise fondée par l’Université de Lancaster – a inventé, développé et breveté un portefeuille de dispositifs de sécurité quantique à l’échelle nanométrique dérivés du développement de PUF optiques (OPUF) et électroniques (EPUF), ainsi qu’un simple générateur de nombres aléatoires quantiques (Q-RAND). L’entreprise propose également deux autres produits, à savoir Q-ID Electronic et Q-ID Optical, qui sont notamment utilisés dans des applications d’authentification d’un utilisateur final, de marquage anti-contrefaçon de matériel, d’authentification des cartes d’identité et de vérification de produits pharmaceutiques.
Norme AS6081
La norme AS6081 a été créée afin d’endiguer la croissance du déjà important volume de pièces électroniques frauduleuses ou contrefaites qui inondent la chaîne d’approvisionnement aérospatiale et présentent des risques importants sur le plan des performances, de la fiabilité et surtout de la sécurité. La norme AS6081 spécifie des exigences et des pratiques visant à atténuer le risque d’acheter, de réceptionner et de vendre des pièces frauduleuses ou contrefaites et, par conséquent, à redonner aux clients confiance en leur propre chaîne d’approvisionnement. L’AS6081 est une norme de base dans la liste de l’ANAB (le comité d’accréditation de l’Institut national de normalisation américain – ANSI). L’ANAB est une ONG qui propose ses services d’accréditation et des formations à des organisations des secteurs public et privé à travers le monde.
Afin d’automatiser les exigences d’inspection visuelle externe et de tests électriques de la norme de prévention de la contrefaçon AS6081, des entreprises telles que la startup Chiplytics, basée à Albuquerque, promettent des délais d’exécution plus rapides et des évaluations davantage basées sur les données. La technologie exclusive de Chiplytics, Chiplytics One, vérifie que chaque puce destinée à être placée dans un système critique n’est pas une contrefaçon. Chiplytics One permet ainsi de garantir la sécurité et la conformité des semi-conducteurs dans le monde entier et de sécuriser le commerce et les échanges à l’échelle mondiale.
Pour ce faire, Chiplytics One utilise un produit automatisé d’assurance qualité des semi-conducteurs pour collecter une image de chaque puce ainsi que sa signature électronique unique. Ces deux éléments permettent de déterminer à la fois si une puce est authentique et si elle ne comporte pas d’erreurs. Il s’agit également de la première plateforme d’inspection qui combine des tests électriques et optiques pour créer des ensembles de données permettant de détecter de petites différences afin d’identifier les clones, les contrefaçons ou les puces endommagées. La société entend exploiter ces ensembles de données et son logiciel propriétaire pour aider les entreprises à se procurer et à tester des puces avant qu’elles ne soient intégrées dans des systèmes de haute fiabilité. Elle évite ainsi à ces entreprises de devoir procéder à de rappels coûteux tout en leur procurant une confiance accrue en leur chaîne d’approvisionnement. Les tests sont réalisés de manière non invasive grâce à une méthode de détection des anomalies reposant sur l’apprentissage automatique. Chiplytics One utilise en effet l’analyse du spectre de puissance pour évaluer minutieusement l’homogénéité et identifier les valeurs aberrantes. L’acquisition des données s’effectue en quelques millisecondes avec une configuration minimale, ce qui offre une couverture plus large avec un volume de traitement plus élevé.
Le rayonnement térahertz (THz), dont les longueurs d’onde se situent entre celles des micro-ondes et de la lumière visible, est transparent pour les matériaux non conducteurs fréquemment utilisés pour encapsuler des dispositifs tels que les puces à semi-conducteurs. Une équipe mixte de chercheurs de l’Université Ajou de Corée et de l’entreprise Panoptics Corp. se sont appuyés sur cette spécificité pour développer un outil d’imagerie en temps de vol rapide en trois dimensions (3D) capable d’inspecter des puces à semi-conducteurs encore emballées en utilisant pour ce faire des techniques de spectroscopie dans le domaine temporel térahertz. En s’appuyant en outre sur les informations de phase, cet outil est également capable de détecter et d’identifier les défauts d’une puce emballée.
Intelligence artificielle (IA)
Le plus compliqué avec les produits électroniques contrefaits, c’est de les déceler. Pour cela, la startup israélienne Cybord propose une solution exclusivement logicielle dont le principe est d’utiliser le matériel déjà présent sur la ligne de production pour obtenir des images du dessus et du dessous des composants utilisés. Ces images sont analysées par un logiciel à IA associé à une vaste base de données pour détecter les éventuels composants contrefaits, corrodés ou incorrectement identifiés ou la présence de toute autre anomalie. Même en l’absence de problèmes, le logiciel enregistre l’emplacement de chaque composant et à quel circuit imprimé ou quel produit il est destiné afin de pouvoir vérifier l’authenticité de chaque composant lors de l’assemblage du produit final.
Les solutions logicielles de Cybord assurent un suivi en temps réel des placements sur les lignes SMT et éliminent les composants électroniques non conformes lors de l’assemblage de produits. Les fabricants d’équipement originaux (OEM) y gagnent en visibilité et en traçabilité. Grâce à l’intelligence artificielle et au Big Data, les défauts des composants sont corrigés au moment du placement et avant la refusion, ce qui simplifie les processus de reprises et renforce la fiabilité du produit.
L’IA a progressé au point de pouvoir identifier ces faux composants. Le logiciel visuel de Cybord vérifie l’authenticité de chaque composant au moyen de mesures et de codes d’identification (date, lot, etc.). Encore faut-il pour cela disposer d’un ensemble de données assez conséquent. Cybord affirme avoir compilé une base de données portant sur plusieurs milliards de composants électroniques et qui s’enrichit chaque mois de 250 millions de nouveaux composants analysés.
Les déclarations et opinions exprimées dans les messages relèvent de la seule responsabilité de leurs auteurs et n’impliquent aucunement l’avis des dirigeants ou des représentants de TTI, inc. ou de TTI Family of Specialists.